La rose, la bouteille et la poignée de main ___________________________________________ Sur l'album: "Misogynie à part" (1969) Cette rose avait glissé de La gerbe qu'un héros gâteux Portait au monument aux Morts. Comme tous les gens levaient leurs Yeux pour voir hisser les couleurs, Je la recueillis sans remords. Et je repris ma route et m'en allai quérir, Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir. Car c'est une des pir's perversions qui soient Que de garder une rose par-devers soi. La première à qui je l'offris Tourna la tête avec mépris, La deuxième s'enfuit et court Encore en criant "Au secours !" Si la troisième m'a donné Un coup d'ombrelle sur le nez, La quatrièm’, c'est plus méchant, Se mit en quête d'un agent. Car, aujourd'hui, c'est saugrenu, Sans être louche, on ne peut pas Fleurir de belles inconnu’s. On est tombé bien bas, bien bas... Et ce pauvre petit bouton De rose a fleuri le veston D'un vague chien de commissaire, Quelle misère ! Cette bouteille était tombé’ De la soutane d'un abbé Sortant de la messe ivre mort. Une bouteille de vin fin Millésimé, béni, divin, Je la recueillis sans remords. Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir, Un brave gosier sec pour m'aider à la boire. Car c'est une des pir's perversions qui soient Que de garder du vin béni par-devers soi. Le premier refusa mon verre En me lorgnant d'un oeil sévère, Le deuxième m'a dit, railleur, De m'en aller cuver ailleurs. Si le troisième, sans retard, Au nez m'a jeté le nectar, Le quatrièm’, c'est plus méchant, Se mit en quête d'un agent. Car, aujourd'hui, c'est saugrenu, Sans être louche, on ne peut pas Trinquer avec des inconnus, On est tombé bien bas, bien bas ... Avec la bouteille de vin Millésimé, béni, divin, Les flics se sont rincés la dalle, Un vrai scandale ! Cette pauvre poigné’ de main Gisait, oubliée, en chemin, Par deux amis fâchés à mort. Quelque peu décontenancé’, Elle était là, dans le fossé. Je la recueillis sans remords. Et je repris ma route avec l'intention De faire circuler la virile effusion, Car c'est une des pir's perversions qui soient Qu' de garder une poigné’ de main par-devers soi. Le premier m'a dit : "Fous le camp ! J'aurais peur de salir mes gants." Le deuxième, d'un air dévot, Me donna cent sous, d'ailleurs faux. Si le troisième, ours mal léché, Dans ma main tendue a craché, Le quatrièm’, c'est plus méchant, Se mit en quête d'un agent. Car, aujourd'hui, c'est saugrenu, Sans être louche, on ne peut pas Serrer la main des inconnus, On est tombé bien bas, bien bas... Et la pauvre poigné’ de main, Victime d'un sort inhumain, Alla terminer sa carrière A la fourrière !